«La nouvelle présence du Christ dans l'Esprit est la condition
pour qu'il y ait sacrement et présence sacramentelle du Seigneur»
Alors se pose la question: si l'institution et le charisme sont des réalités qui ne se font face que partiellement, et si ce binôme n'apporte que des réponses partielles à notre question, n'existerait-il pas d'autres points de vue théologiques mieux adaptés?
Dans la théologie actuelle, la confrontation entre les visions christologique et pneumatologique de l'Église apparaît au premier plan. Dans cette perspective, il faut affirmer que le sacrement est dans la ligne de l'Incarnation du Christ, à laquelle devrait se ranger ce qui est de l'ordre pneumatique et charismatique.
Il est tout à fait juste de différencier le Christ et l'Esprit. Mais, de même qu'on ne doit pas traiter les trois personnes de la Trinité comme une communion de trois Dieux, mais au contraire les comprendre comme un Dieu unique, dans la triade relationnelle des Personnes divines, de même la séparation entre le Christ et l'Esprit n'est exacte que si, à travers leur différence, nous réussissons à mieux comprendre leur unité. L'Esprit ne peut pas être véritablement compris sans le Christ, ni, de même, le Christ sans l'Esprit Saint.
«Le Seigneur c' est l'Esprit», nous dit Paul dans 2 Cor 3,17. Cela ne veut pas dire que les deux sont simplement la même réalité ou la même personne. Cela veut dire au contraire que le Christ ne peut être là, en tant que Seigneur, au milieu de nous et pour nous, que parce que l'Incarnation n'est pas son dernier mot. Elle s est achevée à la mort sur la Croix et à la Résurrection. Cela veut dire que le Christ ne peut venir que parce qu'il nous précède dans l'ordre de la vie de l'Esprit et qu'il se communique à travers lui et en lui. La christologie pneumatique de saint Paul et celle du discours d'adieu de l'Évangile de saint Jean n'ont pas encore assez clairement pénétré notre compréhension de la christologie et de la pneumatologie. D'autant que la nouvelle présence du Christ dans l'Esprit est la condition pour qu'il y ait sacrement et présence sacramentelle du Seigneur.
Nous avons encore ici une autre lumière sur le ministère «spirituel» dans l'Église et sur son lieu théologique, que la tradition a enraciné dans le concept de succession apostolique. «Succession apostolique» ne veut pas dire, comme on pourrait le croire, que nous soyons, pour ainsi dire, indépendants de l'Esprit à travers la chaîne ininterrompue de la succession. C'est exactement le contraire: le lien avec la ligne de succession signifie que le ministère sacerdotal n'est pas à notre disposition, mais doit toujours à nouveau être donné à travers l'Esprit, qu'il est justement le sacrement de l'Esprit, que nous ne pouvons faire et mettre en œuvre par nous-même. Pour autant, la compétence fonctionnelle en tant que telle n'est pas suffisante: le don du Seigneur est nécessaire.
Dans le sacrement, dans l'action suppléante de l'Église à travers des signes, le Seigneur s'est réservé pour lui-même la permanente et continuelle institution du ministère sacerdotal. Le lien si particulier entre «une fois» et «toujours», qui s'applique au mystère du Christ, est ici très visible. Le «toujours» du Sacrement, la manière d'agir spirituellement de l'Église, présente à l'origine et dans tous les temps, présuppose l'union à l'«ephapax» (εφαπαξ), (une fois pour toutes), l'événement originel unique. Le lien avec l'origine, avec ce pieu solidement fiché en terre qu'est l'événement unique et non répétitif, est indispensable.
Nous ne pourrons jamais nous évader dans une pneumatologie suspendue dans les airs, nous ne pourrons jamais abandonner le terrain de l'incarnation, c'est-à-dire de l'œuvre historique de Dieu. À l'inverse, cependant, cet événement unique se communique dans le don de l'Esprit Saint, qui est l'esprit du Christ ressuscité. Il n'est pas englouti dans ce qui a déjà été, dans le caractère non répétitif de ce qui est passé pour toujours, mais il reçoit en soi la force de se rendre présent parce que le Christ a traversé le «voile de la chair»(He 10,20), et qu'ainsi il a libéré dans l'événement unique ce qui est toujours permanent. L'incarnation ne s'arrête pas au personnage historique de Jésus, à la «sarx» (2 Cor 5,16). Le «Jésus historique» devient important pour toujours, à cause de cela, justement parce que sa «chair» a été transformée par la résurrection, si bien qu'il peut maintenant, dans la force de l'Esprit Saint, se rendre présent en tout lieu et en tout temps, comme le montre à merveille les discours d'adieu de Jésus dans l'Évangile de Jean (cf. particulièrement Jn 14,28: «Je m'en vais et je reviendrai vers vous»). Nous devons conclure de cette synthèse christologique et pneumatique qu'un approfondissement de la notion de «succession apostolique» peut vraiment nous aider à résoudre notre problème.
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